Retour d'expatriation : delaisser la Chine pour revenir en France

Après une expatriation en Chine d’un an, l’alarme du retour en France sonne. Nous avons effectivement ressenti le choc des cultures (en anglais « culture shock ») à notre arrivée. Mais nous voilà à présent face à ce que l’on appelle le « re-entry shock » : le choc culturel inversé. Le choc culturel inversé prévoit que l’expatrié, de retour dans son pays d’origine, puisse s’y sentir comme étranger. Se réhabituer à un mode de vie qui n’était plus le sien pendant une longue période n’est pas aisé. Cet article parle de notre retour d’expatriation en France après avoir vécu une année complète en Chine. Une sorte de mise au point sur notre expérience de vie dans l’Empire du Milieu.

 

EXPATRIATION EN CHINE : L’EXPÉRIENCE D’UNE PRISE DE RECUL SUR LE MONDE

Au contact d’une nouvelle culture, nous avons élargi notre vision du monde. Elle s’est enrichie et nous a donné une autre image de la Chine que celle décrite dans les médias. Finalement, la Chine, ce pays aux paradoxes si nombreux, est sans aucun doute un pays qui vaut la peine d’être découvert. Il mérite en effet d’être compris et apprécié à sa juste valeur.

C’est un pays qui en l’espace d’un siècle a fait connaître à ses parents et ses grands-parents famines, maladies et autres malheurs. Un pays dont la jeunesse actuelle jouit d’une croissance forte, d’une économie surpuissante. Une société qui est finalement passée en moins de vingt ans de la campagne à l’industrialisation constante. De la famine à l’hyperconsommation. D’un pays tiers-mondain à l’une des plus grandes puissances économiques mondiales. Un pays qui a su mixer traditions et modernités, mais qui tarde à prendre conscience des enjeux actuels urgents, notamment environnementaux.

COMMENT PRÉPARER UNE EXPATRIATION EN CHINE

Malgré toutes les recherches que l’on aurait pu effectuer en amont de cette expérience d’expatriation, aucune n’aurait pu décrire ce que nous avons vécu. Une expérience de vie que nous n’aurions jamais eue ailleurs. Une expérience bien différente de celle d’un expat qui vit à Hong-Kong ou à Tokyo. Bien loin aussi d’une vie à New-York ou à New Dehli. Je pense qu’on ne peut comprendre ce qu’est d’être laowai (étranger) en Chine, qu’en en faisant l’expérience.

Nous sommes arrivés à Chengdu avec l’insouciance des occidentaux qui déposent leurs valises dans un pays au passé historique riche. Au gouvernement en place qui tient une politique commu… « socialiste de marché ». Autant dire que nous ne savions pas réellement où nous mettions les pieds. À lire les médias, la Chine serait le repère de tout un tas de vices :

  • pollution atmosphérique étouffante (dépend des saisons)
  • corruption (pas plus que dans la majorité des pays asiatiques)
  • on y mangerait même du chat et du chien, des grillons…
  • et y acheter un MacBook couterait moins de 500$ !

Hé oui. Comme quoi, les préjugés ont la vie dure.

LE DUR RETOUR À LA RÉALITÉ APRÈS UNE EXPATRIATION EN CHINE

Après une dizaine d’heures de vol, dont une escale de une heure à Abu Dhabi (période du ramadan oblige : interdit de manger et de boire dans les lieux publics…), nous voilà débarqués à l’aéroport CDG de Paris. À première vue, la ville de Paris a mis les bouchées doubles pour accueillir les touristes. Panneaux en anglais, personnel formé pour répondre aux questions des visiteurs (en anglais, svp)… avec un peu de chance, vous pouvez même être gratifiés une fois ou l’autre d’un léger sourire, du moins, ça y ressemble.

Attention tout de même à ce sentiment de « retour à la maison ». En Chine, nous avions pris l’habitude de sourire aux nouveaux parents, fiers d’avoir un petit bébé bridé dans leur poussette. Quelle idée j’ai eu en essayant d’esquisser un sourire à cette jeune mère, dont le bébé (pas franchement de toute beauté en plus) dormait paisiblement. Son regard m’a rapidement fait détourner les yeux et rebrousser chemin.

PREMIÈRE DIFFICULTÉ : UN JUSTE MILIEU ENTRE TRISTESSE ET EXCITATION 

Nous avons fait le choix de quitter la France pour une période donnée. Une année entière, passée dans un pays dont nous ne connaissions rien, ou très peu. Après un certain temps passé à l’autre bout du monde, l’idée que nous nous faisions de la France avait eu le temps d’être enjolivée. Notre famille, nos amis, un mode de vie à l’occidental, une gastronomie riche et sans pieds de porcs… bref, tout un tas de chose qui nous donnait une envie folle de retrouver notre pays.

Paradoxalement, notre vie en Chine, nos découvertes quotidiennes et notre émerveillement devant chaque nouveauté, faisait que nous aimions, nous adorions également vivre cette expérience de vie. Expérience à la fois enrichissante, unique et qui nous charmait quotidiennement. Un sentiment d’une vie mise entre parenthèse, qui nous donnait finalement le sentiment d’être un peu à l’écart de la « vraie vie ».

LE CHOC CULTUREL LORS D’UNE EXPATRIATION EN CHINE

Un équilibre qu’il nous avait pourtant été difficile à acquérir au début. Entre désillusions et choc culturel, les premières semaines de notre expatriation en Chine, à Chengdu, n’avaient pas été des plus évidentes. Puis, progressivement, nous avions décidé de ne faire qu’un avec ce mode de vie et de finalement, se l’approprier.

Par exemple :

  • mettre des masques en cas de pollution trop importante
  • ne plus s’offusquer à la vue d’une jeune fille de 20 ans crachant à nos pieds
  • apprécier le thé aux fleurs (une tasse dans laquelle des fleurs flottaient, réellement)
  • manger à n’importe quelle heure des plats faits sous vos yeux
  • accepter d’être dévisagés pour notre différence
  • finir par ne plus se sentir gênés d’être pris en photo à notre insu
  • regarder ces mamies et papis danser tous les soirs au coin de notre rue…

Cette vie nous a finalement touché. Ce sont ces petits rien qui ont fait tout notre quotidien. Quotidien que nous avons finalement appris à aimer, et qu’il nous fallait à présent accepter de quitter, pour un temps donné du moins, mais dont nous ignorons la durée.

CHENGDU, TU NOUS MANQUERAS

Top 5 des raisons qui feront que nous reviendrons…

1. TOI ET TES REPAS À 1,50 EUR

Nous vous avons parlé du Muslim délicieux de la rue d’à côté. Eh bien, figurez-vous que ce petit restaurant aux allures tout à fait modestes nous servait de cantine. Nous y mangions en effet plus que suffisamment pour 1,50€ par personne. Bon, voire 2€ à la fin de l’année lorsque les euros ont perdu la face avec la chute de la Grèce. Faut pas déconner, la Chine c’est quand même le pays de la street-food. Du riz qui cuit dans 1L d’huile mais qu’on déguste quand même. Des wonton (馄饨), ces délicieux bouchées au porc ou aux crevettes. C’est le pays des raviolis chinois et incontournables, les jiaozi (饺子) ou encore celui des baozi (包子), ces délicieux pains farcis aux champignons que l’on trouvait n’importe où, n’importe quand à 1元 (0,13 cts).

2. TOI ET TA POPULATION CURIEUSE, OUVERTE ET GENTILLE

Bon, c’était pas toujours le cas. Il arrivait aussi que quelque fois on rencontre des chinois complètement crétins, qui nous regardaient bêtement en se baladant le ventre à l’air. Effectivement, c’est une pratique courante ici : les hommes soulèvent leur t-shirt et le pose grotesquement au dessus de leur ventre proéminent et se baladent ainsi en troupeaux, heureux. Mais la plupart des personnes, qu’ils s’agissent d’inconnus ou de connaissances, étaient aidantes et serviables. Bon, OK, on ne parle pas non plus de la montée / descente du métro. Ou bien, de ce moment où chacun se rue sur le premier taxi à ChunXi Lu et que c’est la loi du plus fort qui l’emporte. Autant dire que je ne gagnais pas souvent. Bon les chinois, on vous aime bien quand même… même quand vous essayez d’être discrets pour nous prendre en photo et MÊME quand vous nous dévisagez au moment de prendre place dans le bus. Hé ouais, nous aussi on prend le bus, le taxi c’est pour les laowai.

3. TOI ET TA POPULATION ÉTRANGE QUI SE BALADE DANS LA RUE EN PYJAMA

Le dimanche matin, quand tu as envie de boire un grand verre d’eau mais que l’eau n’est pas potable, alors une seule solution : le Wowo du coin ! Ce petit supermarché ouvert 24/7 qui offre tous les produits de première nécessité (on y trouve notamment du baijiu (prononcez « baille-djo ») 白酒, l’alcool de riz typiquement incontournable en Chine). Vous pouvez descendre tranquillement de chez vous en pyjama, vous vous fonderez dans le décor. Quel luxe !

4. TOI ET TON DIALECTE SICHUANAIS INCOMPRÉHENSIBLE

Ce n’est qu’après plusieurs mois de vie à Chengdu que l’on remarqua que l’apprentissage du dialecte sichuanais allait être obligatoire, parce que, quand même, quand tu t’acharnes une moyenne de 8 fois pour faire comprendre que t’es un étudiant français, ça devient grave. On parle aussi de ceux qui ont le malheur de se trouver à proximité d’un chinois qui décrochent un téléphone ? Leurs tympans s’en souviennent encore 4h après.

5. TOI ET TON CADRE EXCEPTIONNEL, TON MODE DE VIE, TA SIMPLICITÉ ET TA LÉGÈRETÉ

Située aux pieds du plateau tibétain et donc à proximité directe de l’incroyable chaîne de l’Himalaya, la ville de Chengdu dispose d’une vaste amplitude en termes de possibilités de voyages. Le Sichuan est aussi très proche géographiquement des pays d’Asie du Sud/Est, tels que la Birmanie, le Laos, la Thaïlande, le Cambodge ou encore le Bhoutan et le Népal. Avec sa position centrale en plein coeur de la Chine, elle dispose du statut de ville provinciale active et dynamique. Elle mixe ainsi parfaitement traditions et modernité.

En ce sens,  c’est donc un exemple type de cette Chine à deux vitesses :

  • avec d’un côté la génération des grands parents qui répartissent leurs journées entre jouer au Mahjong, boire du thé dans les très fameuses maisons de thé sichuanaises, ou encore à danser
  • de l’autre, une génération en quête d’un mode de vie à 200 à l’heure, emprunts d’une vision occidentale idéalisée.

Un adage chinois préconise aux jeunes de ne pas venir s’installer à Chengdu. La vie y serait tellement agréable, que cela risquerait de leur faire devenir paresseux (peut-être à l’image des pandas, emblèmes de la ville et fierté nationale).

 

成都,我们会回来。 Chengdu, nous reviendrons.