Nous avons vécu une année entière en Chine. Douze mois d’expatriation dans un pays que quasiment tout oppose au nôtre : une culture, une langue, une atmosphère… Mais avant tout, une expatriation en Chine, c’est une expérience de vie. C’est un mois après avoir quitté le territoire de l’Empire du Milieu, que nous avons rédigé cet article. Et il faut dire que ce mois n’a pas été de trop pour tenter de se ré-acclimater au mode de vie français, européen, occidental. Ce fut le cœur lourd et la tête chargée de souvenirs que nous nous engagions dans le Terminal 2 du Shuangliu International Airport de Chengdu ce vendredi 10 juillet 2015. Une valise qui peinait à contenir les 30 kg d’objets accumulés au cours d’une année d’un côté et un bagage cabine qui se devait de rassembler les 20 autres kg (de trop) de l’autre…

 

*les expressions suivies d’une astérisques seront définies et expliquées plus bas dans cet article 

 

RETOUR D’EXPATRIATION EN CHINE : DIRE AUREVOIR

Après avoir vécu une expatriation en Chine d’un an, il nous fallait dire au revoir. Le tour du quartier faisait parti des « choses à faire avant de partir », tout comme :

  • Manger une dernière fois muslim ;
  • Acheter des baozi pour le voyage ;
  • Revoir la danse des mamies ;
  • Prendre un verre au Hakkah
  • Dire au revoir à toutes ces personnes fabuleuses rencontrées en une année… (Kaka, Alain, Bacheutien, Flo, les gardiens, les mamies…)

La liste est longue mais nous avons finalement réussi à faire le tour de cette « to-do-list ». Arrivés au marché, une petite mémé que nous n’avions jusque là pas remarquée, nous fait de grands sourires tout en épluchant ses légumes. Nous tentons tant bien que mal d’expliquer en mandarin sichuanais* que nous nous envolions ce soir pour la France et que nous venions leur dire adieu..

Ce n’est que 10 minutes plus tard, au moment de quitter ce petit marché couvert qui nous aura tant servi au cours de l’année, que cette petite bonne femme, la soixantaine très bien entamée, nous interpelle en onomatopées chinoises (à moins que ce ne soit du sichuanais). Elle accourt vers nous, les bras chargés d’un monticule de cacahuètes, qu’elle nous offre pour le trajet en avion, en nous expliquant que c’est ce que les chinois aiment manger lors des longs trajets (on a échappé de peu aux pattes de poulet !). Les yeux humides, elle se retire et nous disons au revoir à cette femme qui, jusque là, ne nous avait peut-être même jamais adressé un mot, mais qui d’une certaine façon, nous a remercié de notre venue quasi quotidienne sur son stand de fruits et légumes.

Les adieux continuent et nous nous rendons chez notre petit bouiboui fétiche : une famille de Ouïgours* dont l’échoppe se situe à une rue de distance de notre appartement.

Nous nous rendons donc chez nos amis les Muslims. C’est comme ça qu’on les appelle ici en Chine. Aucun expat ne peut feinter le fait de ne pas connaître un bon muslim près de chez lui : c’est presque une institution. Sauf que le notre est vraiment le meilleur (oui, oui). On dîne une dernière fois sur ces petits tabourets de bois à peine confortables, dégustant avec entrain notre plat favori, puis doucement on quitte cette famille aux traits si particuliers : yeux légèrement bridés, port du voile pour les femmes et d’un couvre-chef pour le père de famille, teint légèrement hâlé tandis que les chinois chérissent une peau pâle voire blanchâtre. Le fils nous fait un petit signe discret de la main tandis que sa sœur nous adresse un sourire gêné. La petite dernière, quant-à-elle, continue de jouer avec le cadeau que nous venons de lui offrir.

Vint le tour des gardes : notre habitation disposait en effet de personnel à l’entrée de la résidence. Ce sont ces derniers qui nous ont aidés le premier jour, dès notre arrivée, à trouver notre propriétaire. Sans un mot de sichuanais à notre actif, et sans une once de notion d’anglais à leur disposition, la compréhension s’annonçait compliquée. Finalement, une relation simple mais sincère s’est créée au fil des mois, grâce notamment à notre apprentissage régulier et progressif du mandarin. Du 你好 nihao (bonjour) de base, aux questions plus spécifiques, un climat de confiance et de respect mutuel s’est installé. Nous avons donc une nouvelle fois fait nos adieux à ces personnes qui ont partagé notre quotidien durant 11 mois. Complices, les gardes insistent pour prendre une photo à nos côtés. Ce seront nos derniers moments avant de monter dans le taxi qui nous conduit à l’aéroport.

 

PRÉCISION #1 : LE MANDARIN EST SES NUANCES PROVINCIALES

Le mandarin est la langue officielle de Chine. Il s’agit du « chinois pur », parlé à Pékin. Le mandarin est aussi la langue officielle de la RPC. Tandis que la Chine est composée de différentes provinces, chacune détient presque son propre dialecte, ce qui introduit naturellement des problèmes de compréhension dans tout le pays.

C’est pour cette raison que vous verrez toujours les chaînes d’informations et d’actualités, les reportages voire les émissions de télé-réalité chinoises (du grand art !) sous-titrés en sinogrammes chinois, afin de permettre à l’ensemble de la population de comprendre et de suivre les émissions, sans différenciation de provinces ou de dialectes. Nous avons suivi des cours de mandarin intensifs pendant les 6 derniers mois de notre séjour en Chine, et avons été obligés d’apprendre « sur le tas » le sichuanais : en taxi, au restaurant, sur le marché…

 

 

PRÉCISION #2 : LES MINORITÉS ETHNIQUES EN CHINE

La constitution de la RPC prévoit que tous les habitants détiennent, selon « le droit du sol », la citoyenneté chinoise. En outre, la Chine reconnaît également « le droit du sang » et ainsi les 56 groupes ethniques que compte son territoire. En mandarin, on utilise les termes shǎosù mínzú 少数民族, qui signifient respectivement « petit nombre » et « nationalité » (minorités ethniques).

Parmi ces ethnies, les Hans, représentent à eux seuls plus de 90% de la population et sont considérés à plus ou moins juste titre comme la « majorité ». Les 55 autres nationalités sont ainsi appelées des « minorités ». Mentionnée sur la carte d’identité (comme dans l’ex-URSS), l’identité ethnique permet – selon le gouvernement chinois – d’appliquer une discrimination positive afin de préserver la culture et la langue des « peuples non-Han » (Tibet, 20 clés pour comprendre, de Frédéric LENOIR, à lire absolument si la question tibétaine vous interpelle et si vous souhaitez en savoir plus de façon pédagogue et sans aucun parti pris sur des faits réels, exposés et expliqués).

Parmi les 55 ethnies minoritaires, 53 ont leur propre langue, 21 possèdent leur propre écriture et utilisent 27 systèmes d’écriture. Les principales minorités reconnues en Chine sont les Tibétains (ouest de la Chine), les Mongoles (nord) et les Ouïgours (nord/ouest).

Photo de Mimo Khair (photographe), montrant une famille des minorités du Yunnan

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PRÉCISION #3 : UN POINT SUR LES OUÏGOURS

Traditionnellement, le territoire Ouigour (ou Ouïghour) se situe dans le nord/ouest de la Chine, et leur mode de vie est largement inspiré de l’univers oriental musulman. C’est un mélange astucieux entre toutes les cultures qui bordent cette région du monde. Ainsi, l’arabe modifié est l’écriture officielle de cette région de la Chine et la langue Ouïgoure fait partie des langues turques, pendant que le pinyin chinois a longtemps inspiré l’écriture de ce peuple.

La cuisine Ouïgoure est elle aussi à l’image de cette multi culturalité imposante : avec sa saveur unique, ses épices parfaits, et sa diversité, elle est une des cuisines préférées en Chine. Pour les chinois, l’aliment principal réside dans le riz blanc préparé ; pour les Ouïgours, ce sont les pâtes. Mais pas n’importe lesquelles… des pâtes faites maison, sous vos yeux, qui sont très justement cuites et parfaitement assaisonnées : ce sont les Lëghmën.

Il est connu que les spaghettis italiens sont originaires de Chine, mais il est nécessaire de préciser qu’ils sont avant tout issus de la gastronomie Ouïghoure et qu’ils ont été ramenés en Italie par Marco Polo ; la Route de la Soie traversant le pays des Ouïgours.

 

 

Pour suivre le choc post expatriation en Chine (« re-entry shock »), l’article est juste par ici : retour d’expatriation, délaisser la Chine pour revenir en France